Plénière des rencontres

Face à l’installation croissante de l’extrême-droite et à la défiance de plus en plus marquée de notre modèle républicain dans les campagnes populaires et les villes moyennes françaises, il devient impératif pour les acteur·ices des musiques traditionnelles et du monde que nous sommes de réaffirmer notre opposition fondamentale à ces idéologies mortifères. Nous dénonçons toute manœuvre visant à agiter la peur et à créer des boucs-émissaires pour rassurer à bas frais les classes moyennes de plus en plus vulnérables. Nous opposons à ces méthodes notre vision de la culture, fondée sur la liberté de chaque humain à s’exprimer artistiquement et à faire compter aux yeux des autres son univers musical, sa langue, ses représentations du monde, son mode de vie. Nous soutenons, organisons et diffusons une conception et des pratiques culturelles émancipatrices. Notre milieu des musiques et danses traditionnelles et des musiques du monde s’ancre historiquement dans la restauration de la dignité humaine. Le mouvement « Folk » qui a allumé la mèche, dans les années 1950-1970, des musiques traditionnelles en France s’est toujours inscrit dans une démarche de résistance sociale et politique à la simplification identitaire. Né aux États-Unis d’une contestation de l’ordre établi à travers la chanson, le « folk » a été le déclencheur d’une conscientisation collective. Nos engagements s’enracinent dans cette même lutte contre le réductionnisme imposé par le pouvoir dominant aux groupes humains du milieu populaire. Et nous nous insurgeons contre la tendance à cantonner nos diversités d’existence à une culture de masse facile à consommer. Les militants de l’Éducation Populaire, très présents dans notre mouvement depuis les années 1970-1980, ont eux aussi largement irrigué les initiatives associatives qui ont déployé les musiques et danses traditionnelles. Cet ancrage politique fermement engagé dans le fonctionnement d’une démocratie qui restitue le pouvoir aux « premiers concernés », est un héritage que nous actualisons dans des méthodes et des outils en faveur de la mise en œuvre du lien social et intergénérationnel, du partage des savoirs et du pouvoir ainsi que des valeurs liées à la construction collective. Renforcés par les choix d’hybridation et d’intersectionnalité que portent aujourd’hui de nombreux·ses artistes des musiques traditionnelles et du monde, nous développons de nouvelles connivences avec la pensée décoloniale comme avec les luttes éco-féministes.

Les musiques que nous portons, les danses que nous transmettons, les récits que nous tissons, sont des vecteurs puissants de transformation sociale, et, plus que jamais, elles sont un moyen essentiel de contestation.

À l’heure des quarante ans de la fédération et de la structuration du mouvement des musiques traditionnelles, cette plénière se propose de poser cette question fondamental  : quelle place nos pratiques artistiques et culturelles peuvent-elle jouer dans cette lutte ? Qu’ont-elles à nous dire sur les transitions politiques, sociales et écologiques du moment ? Comment notre vision de la culture contribue-t-elle à établir des conditions matérielles de vie indispensables à la justice sociale? Comment contribue-t-elle à mettre en commun des visions du monde constructives et complémentaires pour l’avenir de nos sociétés ?

Animation de la plénière : Jeanne Lacaille, journaliste et productrice radio.